Projets

Jardin citoyen européen pour le parc de la Maison-Musée Jean Monnet

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Opération réalisée dans le cadre d’un appel à projets culturels du Parc Naturel Régional de la Haute Vallée de Chevreuse, avec le soutien de la Direction des affaires culturelles d’Île-de-France, pour valoriser les richesses culturelles de son territoire à partir de 10 sites emblématiques, dont la Maison-Musée Jean Monnet à Bazoches sur Guyonne (78).  En terme de contenus, le projet se développe selon deux approches visant à croiser l’évocation des patrimoines naturels et culturels autour du lieu.

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Notre proposition repose sur la mise en œuvre du dispositif original de jardins participatifs dit « jardins patrimoniaux », adapté aux contexte patrimonial et aux espaces du parc de la Maison-Musée Jean Monnet. Il s’agit de créer un espace jardiné à la mémoire de Jean Monnet et de son rôle fondateur pour la communauté européenne, tout en évoquant la richesse du patrimoine culturel et naturel dans lequel il s’inscrit.

Ce « jardin mémoriel d’un père fondateur de l’Europe » pourra ensuite faire écho à d’autres réalisations dans d’autres régions et pays, comme le « jardin des plantes de chez nous », relié au réseau des « jardins sans limites » de Moselle, pour la maison de Robert Schuman près de Metz ; ou le « jardin de l’Europe » (Giardino d’Europa), pour le musée Alcide de Gasperi, près de la ville de Trente en Italie. Un élément marquant entre les quatre principaux pères fondateurs de l’Europe, depuis Jean Monnet, Robert Schuman, jusqu’à Konrad Adenauer et Alcide de Gasperi fut justement leur commun intérêt pour la marche, la relation paysagère, et l’art du jardin. La principale originalité de la proposition de jardin européen pour la Maison-Musée Jean Monnet, au delà de son inscription marquée dans l’histoire du personnage et du lieu, est justement l’intégration de son processus de participation citoyenne dans la réalisation même du jardin.

AUX RACINES DE L’HISTOIRE COMMUNAUTAIRE

Le projet proposé par l’association Paradeisos – Jardins européens part en premier lieu d’un intérêt profond pour l’histoire fascinante d’un homme hors du commun, considéré comme un « inspirateur » du projet européen, et à ce titre comme un des principaux « pères fondateurs » de la communauté européenne. Pourtant Jean Monnet est un homme de l’ombre, personnage discret, mais non moins visionnaire, que certains qualifient même de « père spirituel méconnu de l’Europe ».

Les contenus du projet partent de la volonté de mieux connaître, et faire connaître, la mémoire de Jean Monnet, et de contribuer ainsi à sa valorisation, à partir d’un travail de Bio-Jean-Monnet-246x300recherche sur l’homme, sa trajectoire politique originale, avec ses zones d’ombre, ses coups de génie et coups d’éclats au service d’un grand rêve européen. Ses Mémoiresdont l’écriture s’est achevée l’année même de sa mort en 1976, montrent effectivement la portée visionnaire et la profondeur de sa pensée sur l’avenir européen, mais aussi une manière originale – comme une sorte de respiration – dans sa façon de relier ces grandes considérations géopolitiques à son vécu quotidien dans sa « retraite campagnarde » (selon ses propres mots) de Bazoches, en constante relation avec son jardin, comme ouverture vers les paysages et la nature qui l’environnent : au cœur de l’antique royaume forestier d’Yveline, entre les vallées de Montfort et de Chevreuse. Une posture qui rappelle de vieilles traditions européennes, depuis les philosophes Antiques, les penseurs humanistes comme Montaigne, jusqu’aux solitaires de Port-Royal, situés non loin en vallée de Chevreuse : celle du sage retiré dans son havre champêtre pour réfléchir sur l’avenir de la société, et projeter un autre regard sur les grandes affaires du monde.

MONNET, JARDIN, NATURE ET PAYSAGE

Un homme, un lieu : la retraite d’un sage…

Dans l’intimité d’un paysage culturel européen

« Voilà une année que j’ai regagné cette maison au toit de chaume et aux contrevents bleus, au pied de laquelle s’étend un grand jardin que prolongent les plaines ondulées de l’Ile-de-France. J’en sors peu, viennent me voir ceux qui le veulent. Ils me parlent des événements qui les troublent beaucoup. Je peux les comprendre, mais il faut aussi qu’ils sachent que la construction de l’Europe est un changement formidable qui demandera beaucoup de temps… »

« Je marche dans mon jardin avec mes visiteurs. Je descends vers la petite maison, en bas de la prairie » (…)  « Je connais ce jardin depuis trente ans et j’y suis revenu tous les soirs… »

« Je ne prétends donc pas être un connaisseur d’arbres, un observateur des oiseaux : ils sont le décor naturel de ma pensée, là est ma forme de poésie. »

Jean Monnet, Mémoires, 1976.

L’arbre européen de Jean Monnet

Aux racines culturelles de la communauté européenne 

« Les racines de la communauté sont fortes, maintenant, et elles vont loin dans le sol d’Europe. Elles ont survécu à de mauvaises saisons, elles peuvent en supporter d’autres.»

Jean Monnet, Mémoires, 1976.

De la simplicité et de la clairvoyance politique du jardinier

En conclusion de ses Mémoires, Jean Monnet livre ainsi de nombreuses anecdotes autour du jardin, qui constitue souvent la toile de fond des hautes affaires politiques et diplomatiques qu’il négociait en coulisse entre la France, l’Allemagne, l’Angleterre et les Etats-Unis : « Pendant qu’Amélie s’occupait de la maison avec intelligence et autorité, lui [André le jardinier] laissait aller son imagination en travaillant dur dans le potager et au milieu des fleurs. (…) Ils avaient vu beaucoup de personnages de tous les pays qui étaient attentifs à leurs réflexions de bon sens exprimées avec simplicité. »

Madame Monnet : l’artiste peintre du jardin européen

Silvia di Bondini, épouse Monnet

Les tableaux de l’épouse de Jean Monnet, d’origine italienne (romaine), qui occupent encore de nombreux murs de la maison de Bazoches, sont très révélateurs de l’intérêt culturel du couple Monnet pour le jardin.

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La représentation du pantin attendant que sorte de terre son « plant », cette nouvelle « pousse d’Europe » plantée au moment des négociations pour créer la CECA, première communauté européenne sur le charbon et l’acier, est déjà très forte symboliquement.
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La beauté des iris bleus de Silvia, aux couleurs prémonitoires de l’Europe, pourra également servir d’inspiration et de référence florale pour la composition du jardin participatif européen.

Un amour partagé du jardin

Transparaît ainsi, entre les textes et les peintures du couple Monnet, leur amour partagé de la nature et du jardin, qui est à l’image de leur complicité dans leurs efforts et leurs rêves partagés de voir pousser ce nouveau « plant » d’une communauté européenne. Un tableau posé dans leur chambre à coucher semble évoquer cette complicité entre l’homme politique et sa femme artiste-peintre passionnée de motifs floraux et jardiniers.

 

La pensée européenne en mouvement

Pour terminer ce tour d’horizon des accointances de Jean Monnet avec la nature et les paysages de la région, il faut rappeler son habitude de marcheur invétéré : une pratique installée de randonneur que ses textes évoquent distinctement, à côté des divers souvenirs liés à ses jardins.

« Pour moi, il n’y a pas de limites, car la nature appartient aux marcheurs. Le matin, comme je l’ai raconté je m’enfonce dans les bois contigus dont tous les petits chemins me sont familiers. J’ai des itinéraires qui semblent interminables. Il est essentiel pour l’esprit de commencer sa journée avec de l’espace. »

Jean Monnet, Mémoires, 1976.

Cette dernière précision sur l’importance de la marche, et de cette « mise en espace » de la pensée politique de Monnet, vient compléter notre compréhension de sa relation avec les paysages intimes de son lieu d’introspection, de réflexion et de médiation.

Ses circulations partent de la maison et du « grand jardin », composé à l’époque d’une multitude de fleurs variées, mais aussi d’essences potagères et fruitières. Ces circulations vont ensuite dans les chemins champêtres et forestiers des environs.

Tous ces éléments composent l’intimité d’un paysage culturel européen fondateur, là où s’imagina pour la première fois, entre un cabinet de travail, un jardin et de longues promenades paysagères, l’idée d’une paix durable et d’un regroupement pacifique des pays européens.