Présentation de l’association
L’association Paradeisos – Jardins européens est une initiative citoyenne émanant de personnes de divers horizons de la société civile, tant spécialistes du patrimoine, des jardins, de l’environnement, que professionnels de la santé, de l’action sociale ou de l’éducation, pour valoriser et partager avec le plus grand nombre l’exploration de l’héritage culturel européen par les jardins et les paysages.
Cette expérience sociale et patrimoniale repose sur une méthode participative et pluridisciplinaire originale, fondée sur la réalisation collective de jardins, comme lieux de rencontre, de médiations et de convergences sociétales.
Aux sources de l’histoire et de la culture européenne
Cette notion de Jardin-Paradis est l’un des archétypes les plus prégnants des antiques circulations culturelles qui sont à l’œuvre entre Orient et Occident dans le contexte indo-européen. Cette notion, vieille de plus de 3 000 ans, viendrait en effet de l’ancien persan pairi-daeza, puis du pardez en hébreu, transformé en paradeisos dans le monde grec antique, puis en paradisus dans le monde latin chrétien. Ces termes désignent un enclos jardiné et arboré, plus ou moins structuré et codifié par une forme d’esthétique sacrée, où était réunie une grande diversité d’essences végétales et animales, représentatives sur le plan symbolique, botanique, et politique, des richesses naturelles et culturelles de vastes territoires. Son origine remonterait même à l’époque mésopotamienne et sumérienne, dont les jardins suspendus de Babylone (ou plutôt ceux de Ninive) – une des sept merveilles du monde Antique – seraient directement héritiers. Ces jardins clos paradisiaques, telles des oasis conquises sur le désert (= perçu comme archétype de nature sauvage, transposé en « désert-forêt » dans le monde occidental), seraient à l’origine anthropo-historique du mythe du jardin d’Eden dans la pensée judéo-chrétienne. Ce schéma sociétal, archétype du paysage culturel comme « jardin de paradis », influencera ensuite toute l’histoire européenne, en particulier par l’intermédiaire de l’histoire monastique (paradis monastiques, jardins clos, jardins d’utilités…), ainsi que par les grandes réalisations de jardins impériaux, royaux et aristocratiques, sans oublier les jardins de lettrés et de savants humanistes, ces « jardins de sagesse », émanant de la fameuse République des Lettres qui présidera aux premières grandes circulations des savoirs et des idées à l’échelle européenne, aux fondations culturelles de l’Europe moderne.
Les principes fondateurs de l’association
Les principes fondateurs du projet Paradeisos – Jardins européens se réfèrent en première intention à la Convention Européenne du Paysage (Florence, 2000), qui stipule que « le paysage concourt à l’élaboration des cultures locales et qu’il représente une composante fondamentale du patrimoine culturel et naturel de l’Europe, contribuant à l’épanouissement des êtres humains et à la consolidation de l’identité européenne ». L’entité du jardin se présente dans ce contexte comme un puissant archétype paysager, sur une échelle et une temporalités condensées, avec une singularité forte par la densité symbolique, culturelle et technique qu’il peut recéler. La simple approche par l’histoire de l’art des jardins en Europe permet de traverser des pans entiers de la culture commune européenne depuis ses origines jusqu’à nos jours. La capacité inter-médiatrice du jardin sur les paysages culturels, sur les lieux de mémoire et sur l’identité collective en général, est également à relever, car elle constitue le fondement ontologique de toute la démarche du projet Paradeisos – Jardins européens qui va être développée.
C’est dans ce contexte que l’association Paradeisos – Jardins européens veut contribuer à valoriser la richesse des paysages culturels européens, et par le fait l’identité culturelle européenne, selon un mode opératoire construit à partir d’un dispositif interculturel original. Ce dispositif repose sur la création collective et partagée de « jardins patrimoniaux », conçus comme espaces dynamiques de médiation et d’interprétation du patrimoine européen, ouverts et accessibles à tous. Ces jardins, en tant qu’espaces médiateurs des consciences patrimoniales européennes, sont le fruit d’un processus participatif, où la création d’espaces paysagers jardinés se trouve partagée de la manière la plus ouverte et intégrée possible. Cette démarche repose sur une pédagogie et méthodologie de projet bien précise, permettant d’impulser et de coordonner l’interaction d’une grande diversité d’acteurs et de publics impliqués (dont publics handicapés ou empêchés), autour d’approches intersectorielles (au croisement des secteurs culturel, éducatif, social, environnemental, médical…) et interdisciplinaires (expertises combinées en histoire, géographie, archéologie, architecture, paysagisme, anthropologie, ethnobotanique, sciences environnementales, ergo/socio/horti/thérapies…). Une démarche qui repose en réalité sur un subtil équilibre entre conscientisation (intériorisation, dimensions patrimoniales immatérielles) et opérabilité (extériorisation, matérialisation, altérité, créativité).
En tant qu’espaces de découverte, de rencontre, d’expression et de réflexion autour des paysages culturels de l’Europe et des valeurs identitaires qu’ils véhiculent, ces « jardins patrimoniaux » se conçoivent à la fois comme des « jardins de la mémoire (collective) », et « jardins citoyens (européens) ». Ils peuvent également être considérés comme une expérience permettant de développer un nouveau type de « troisième lieu », un espace de citoyenneté et de sociabilité en plein air, en intermédiation entre Culture et Nature, entre mouvements de retour sur soi par l’intériorisation de valeurs culturelles et mémorielles, et mouvements d’ouverture sur les autres (sur une altérité européenne positive) et sur le monde. Ils se conçoivent donc comme espaces d’échanges et de citoyenneté favorisant la remise en lumière et le réinvestissement des valeurs culturelles qui ont constitué certains fondements de l’histoire européenne par l’expression des jardins et des paysages.
En terme d’objectifs stratégiques plus globaux, cette typologie de « jardin patrimonial » se conçoit par conséquent comme un « espace laboratoire », sorte « d’incubateur culturel et sociétal » favorisant l’exploration de nouvelles dynamiques socioécosystémiques sur le territoire, aux diverses échelles de l’expression territoriale : du local au régional, du national jusqu’au plan européen. Une telle dynamique repose au préalable sur une connaissance approfondie de l’ancrage géohistorique des jardins, des paysages, et des lieux de mémoire touchant à l’histoire et à l’identité européenne.
L’orientation thématique centrale, véritable fil conducteur du projet associatif, se construit donc autour de la notion de Jardin – Paradis, entendue comme paysage culturel archétypal fondateur de l’identité européenne depuis des temps immémoriaux, qui continue à être agissant et à nourrir en profondeur les représentations, les schémas sociétaux, la créativité, et les imaginaires contemporains. Il constitue l’une des principales matrices culturelle et sociétale de l’Europe depuis l’Antiquité, qui nécessite quelques rappels anthropo-historiques pour bien comprendre la manière dont il peut ensuite être réinvesti et réactivé à d’autres échelles de l’espace et du temps pour nourrir chaque dynamique d’implantation d’un « jardin patrimonial européen » sur le terrain
Conférence « Les pères fondateurs de l’Europe en leurs jardins »
La conférence du président de Paradeisos Jardins européens, Sylvain Hilaire, à la maison Jean Monnet, en février 2023, en lien avec les services du Parlements européens, et la maison Adenauer en Allemagne