Des chercheurs français ont révélé un rôle pour le moins inattendu joué par l’écorce des arbres. Grâce à des expériences menées en laboratoire sur de jeunes plantes tropicales, les scientifiques ont en effet découvert que leur revêtement externe génère des forces qui contribuent à maintenir leur verticalité au cours de la croissance.
Aussi controversée qu’elle soit, la sylvothérapie fait de nombreux adeptes, tous convaincus qu’enlacer un arbre permettrait d’en puiser une force extraordinaire. Même si les vertus sur l’être humain de l’écorce végétale restent encore à prouver, pour la plante en revanche, la force qu’elle tire de son enveloppe se révèle bien plus puissante que ce que l’on pouvait imaginer.
Des chercheurs du CNRS viennent en effet de découvrir que l’écorce des arbres contribue pour beaucoup d’entre eux à leur maintien à la verticale. Un rôle moteur du revêtement externe des plantes ligneuses longtemps négligé, mais aujourd’hui mis en lumière grâce à une étude publiée la semaine dernière dans la revue New Phytologist.
Au cours de ces travaux, des chercheurs des laboratoires français Ecofog (Ecologie des forêts de Guyane) et LMGC (Laboratoire de mécanique et de génie civil de l’Université de Montpellier) ont mis en culture neuf espèces d’arbres tropicaux, aux noms tout aussi exotiques que leurs origines : Tarrietia utilis, Gossypium hirsutum, ou encore Theobroma cacao… Des espèces variées choisies pour la diversité de la structure de leur bois et de leur écorce.
Une croissance qui défie la gravité
En laboratoire, les scientifiques ont fait pousser 8 à 12 spécimens de chacune d’entre elles, au départ dans des conditions normales pendant 3 à 10 mois. Par la suite, c’est un « petit air penché » que les jeunes arbres ont été contraints de prendre. Les scientifiques les ont en effet replantés avec un angle de 45°, et attachés à un tuteur.
Dès que ce support a été supprimé, les végétaux se sont courbés, revenant ainsi progressivement à un port parfaitement vertical. Un retour à la normal compromis cependant par le retrait de leur écorce. Privés de leur revêtement externe, cinq des neuf arbres ont en effet perdu la courbure censée leur permettre de retrouver leur verticalité. Un phénomène étonnant qui met en lumière le rôle de l’écorce dans la production d’une force qui contribue à maintenir la verticalité de l’arbre.
Un treillis caché au sein de l’écorce
Pour comprendre plus en profondeur ce mécanisme insoupçonné, les chercheurs ont ensuite entrepris l’étude de la structure interne des tiges et de l’écorce des arbres. Un travail qui leur a permis de découvrir la structure en treillis formée par les fibres qui composent l’écorce. Ce réseau fibreux très organisé se révèle être à l’origine du rôle de l’écorce dans la courbure de la plante.
Lorsque l’arbre pousse, « le développement des couches de bois fait augmenter la circonférence de l’écorce » expliquent les chercheurs dans un communiqué. « L’organisation en treillis des fibres dans l’écorce est telle que cette contrainte génère des forces orientées le long de la tige. Si la tige est inclinée, la croissance est plus rapide du côté supérieur de la tige, conduisant à une asymétrie des forces générées. C’est cette asymétrie, qui permet à la tige de se courber vers le haut », révèlent les scientifiques.
La mise au jour d’un mécanisme insoupçonné
Cette découverte bouleverse donc la vision des mécanismes qui permettent la croissance verticale des plantes ligneuses, comme le soulignent les chercheurs : « Chez cinq des neuf espèces d’arbres étudiées, la génération des forces permettant à l’arbre de lutter contre la gravité n’est donc pas due uniquement à la maturation des parois des cellules du bois, mais à la poussée du bois sur ce treillis de fibres, astucieusement organisé dans l’écorce ».
Une révélation qui pourrait amener à des avancées dans des domaines bien éloignés de la biologie végétale, comme le soulignent finalement les scientifiques : « la nature a résolu un nombre infini de problèmes d’ingénierie. La nécessité des arbres à pousser verticalement en optimisant l’organisation de leurs tissus est aujourd’hui une source potentielle d’inspiration remarquable pour la science des matériaux ». L’écorce des arbres, un don inespéré de Mère Nature pour le monde florissant des technologies bio-inspirées.