Histoires de plantes

La conservation, la valorisation et le partage de la diversité du vivant, un enjeu plus vital que jamais !

Mot du Président

Chers amis,

Nous espérons que vous traversez sans encombres cette période délicate de déconfinement, qui demande encore la plus grande vigilance. Comme nous l’avions évoqué dans la précédente Newsletter, cette période a pu être favorable à certaines prises de consciences et retours à l’essentiel, en particulier autour de nos modes de vie, notre rapport au temps, à la nature et au vivant.

Cela ne fait que conforter la vocation et les engagements de notre association pour continuer à développer ses activités pour la valorisation, l’approfondissement et le partage de ce rapport fondamental que relie l’histoire humaine et l’histoire naturelle des plantes dans les espaces médiateurs des jardins et des paysages, spécialement dans le champ culturel européen.

Une vocation originale que nous continuerons à développer en lien avec notre partenaire privilégié de la Maison-musée Jean Monnet et les services du Parlement européen. Vous retrouverez d’ailleurs bientôt les derniers fruits de ces collaborations dans les nouveaux supports de présentation de notre « jardin citoyen européen ».

Nous espérons aussi bientôt pouvoir proposer une occasion de retrouvailles pour les membres de notre association, dès que le contexte général et les conditions sanitaires le permettront.

En attendant, nous avons maintenant le plaisir de laisser la parole à une membre active de notre collectif, qui a participé et contribué à de nombreuses reprises à nos rendez-vous et activités sur le terrain, notamment en janvier dernier aux côtés d’Irina, Monika et Dagmara, pour l’organisation de notre repas festif thématique sur la Pologne, en lien avec notre dernière Assemblée générale.

Nous remercions donc Yulia Peregudova, membre russe de notre association, ingénieure de formation, de nous avoir rédigé ce texte très instructif sur un sujet peu connu, et pourtant fondamental dans la longue histoire combinée de l’homme et du monde végétal : la conservation et le partage des graines et semences au service de la diversité naturelle et culturelle.

L’occasion de rappeler que notre association a ouvert l’été dernier sa propre grainothèque, une banque de graine associative encore embryonnaire, mais qui ne demande qu’à se développer avec vos apports, car ouverte à tous les paradésiens pour enrichissements et échanges !

Espérant pouvoir toujours compter sur vos participations, soutiens et engagements, pour que ces graines d’avenir puissent se multiplier et fructifier collectivement.

Sylvain Hilaire

L’histoire d’un agronome-botaniste visionnaire :

Nicolaï Vavilov et la première banque mondiale de graines à Saint-Pétersbourg

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Nikolai Vavilov examinant un spécimen d’herbier de blé en 1930.

Nikolaï Vavilov, innovateur, agronome, scientifique, est le créateur de la plus ancienne collection de semences et l’Institut pansoviétique de culture des plantes. Il est né dans une famille de commerçants fortunés de Moscou, il a fait ses études à l’Institut agronomique de Moscou. Il devient l’un des botanistes les plus en pointe de son temps, et organise une série d’expéditions botaniques et agronomiques à travers le monde afin de fournir des arguments à sa théorie sur l’origine des plantes cultivées, qui détermine sept « berceaux » de végétaux dans le monde, et de créer en 1926 la plus grande collection de semences, l’Institut pansoviétique de culture des plantes. Cette même année il publie une étude intitulée Études sur l’origine des plantes cultivées, dans laquelle il décrit dix centres de diversité.

C’est ainsi que Nikolaï Vavilov explore soixante-quatre pays en une vingtaine d’années. Il voyage en Europe en 1913-1914, notamment en France, où il travaille chez Vilmorin (L’histoire de la famille Lévêque de Vilmorin remonte en 1743 à Paris avec un magasin vendant des semences et des oiseaux sous l’enseigne du Coq de la Bonne Foy), afin de se familiariser avec les dernières techniques de sélection, et au laboratoire d’Ernst Haeckel à Iéna. Il fait également un séjour en Angleterre, où il étudie le système immunitaire des végétaux auprès de William Bateson. Il est nommé directeur de l’Institut de botanique appliquée et des nouvelles cultures de Saint-Pétersbourg en 1921 à l’âge de trente-trois ans. Entre 1921 et 1933, il est en Espagne, aux États-Unis, au Canada, en Amérique du sud, puis au Moyen-Orient et en Afrique entre l’Éthiopie, le Yémen et l’Afghanistan,  puis beaucoup entre la Chine, le Japon, Corée et Formose.

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En 1942 cette collection fut préservée de manière héroïque malgré le siège de Léningrad (Saint-Pétersbourg) de 872 jours du 1941-1944, au cours duquel la ville a perdu 600 000 habitants et la famine aurait pu conduire à consommer des graines comestibles.

Le 6 août 1940 Vavilov est arrêté sur une dénonciation et condamné à mort le 9 juillet 1941 par le Collège militaire de la Cour suprême de l’URSS pour « participation à une organisation anti-soviétique, sabotage et espionnage ». Le 23 juin 1942, ce verdict est commué à 20 ans de prison par une décision du Présidium du Soviet suprême. L’Académie des sciences refusa toutefois de retirer le titre d’académicien à N. Vavilov. Il décède le 26 janvier 1943 à la prison de dystrophie, conséquence de la sous-alimentation.

Ce modèle héroïque de scientifique visionnaire et militant n’en légua pas moins l’une des réalisations les plus importantes de l’histoire des sciences du XXème siècle.

Les collections des semences

En 1994, l’Institut Vavilov possède un ensemble de collections rassemblant 334 000 spécimens de plantes représentant 86 familles —  2 102 espèces appartenant à 425 genres.

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Au début du XXIe siècle, il abrite les graines et semences d’environ 345 000 variétés végétales, dont 80 % sont uniques au monde. L’institut  possède environ un millier de variétés de fraisiers, une centaine de groseilliers à maquereau, de framboisiers et de cerisiers etc…

Il est considéré en 2018 comme la plus ancienne banque de graine du monde et la cinquième banque de graines du monde en volume de conversation.

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Principale banque mondiales de graines dans le monde à notre époque :

  1. Svalbard : 980 000 échantillons. Créée en 2008 en Norvège, cette banque de l’Arctique est surnommée « l’arche de Noé végétale ».

  2. Fort Collins, Colorado : 620 000 échantillons. Cette « banque centrale », fondée en 1958 aux Etats-Unis, détient des doubles des graines contenues dans des banques de graines américaines.

  3. Pékin : 400 000 échantillons. Cette banque nationale ouverte en 1986 conserve 180 espèces de plantes cultivées et leurs plus proches parentes sauvages.

  4. New Delhi : 400 000 échantillons. Cette banque de graine nationale indienne, datant de 1976, abrite majoritairement des variétés locales.

  5. Saint-Pétersbourg : 325 000 échantillons. La plus ancienne des banques de graines a été mise en place à la fin du XIXe siècle.

Source : https://www.geo.fr/environnement/ou-sont-les-12-plus-grandes-banques-de-graines-de-la-planete-194654

Projet Vavilov à Lyons et les débats au Parlement Européen sur ce que nos ancêtres ont mangé, ce que nous mangeons et ce qui restera aux générations suivantes

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Station d’expérimentation de quatre hectares sur la commune de Charly (69)

L’expérience exemplaire de Vavilov a ainsi inspiré ces dernières années de nombreuses initiatives et liens entre pays et institutions européennes.

Par exemple, crée récemment en France, le projet Vavilov s’articule autour de deux axes. Le premier concerne le « centre Vavilov », une station expérimentale créée à Lyon. Des recherches et essais y sont menés, en lien direct avec les problématiques posées par les changements climatiques, la qualité nutritionnelle des aliments et la santé. Le deuxième axe du Collectif est la création de « jardins pédagogiques » ou « connectés » participant à la multiplication de variétés menacées et à la diffusion des travaux de l’Institut. C’est pourquoi, le Collectif Vavilov rassemble, conserve, multiplie, étudie et redistribue ces variétés au sein de ces jardins, en lien étroit avec les scientifiques de l’Institut Vavilov.

Ces jardins atypiques sont structurés autour de trois espaces regroupant trois collections complémentaires :

  • La collection locale qui illustre les problématiques d’un territoire avec des variétés menacées ou retrouvées
  • La collection sauvage, permettant de découvrir les ancêtres de nos variétés actuelles
  • La collection russe avec une diversité de variétés collectées par l’Institut Vavilov depuis 130 ans pour continuer les études agronomiques et reproduire les nouvelles récoltes à la base des grains qui n’ont jamais vu ni pesticides et modification génétiques.

Le premier jardin pédagogique Vavilov a été créé en France à Neuville-sous-Montreuil, non loin du Touquet dans les Hauts de France.

Jusqu’au début du XXe siècles l’Humanité se battait contre les famines régulières. De nos jours la question est aussi désormais de préserver la biodiversité. Les débats réguliers qui se déroulent au Parlement Européen ces dernières années montrent l’importance grandissante de ces enjeux vitaux pour l’avenir.

Yulia Peregudova

Pour en savoir plus :

https://www.letemps.ch/sciences/saintpetersbourg-une-banque-semences-pourrait-recreer-patrimoine-vegetal-mondial

https://www.lefigaro.fr/conso/2016/11/15/20010-20161115ARTFIG00005-il-cultive-des-plantes-disparues-grace-a-des-graines-retrouvees8230a-saint-petersbourg.php

1 réflexion au sujet de “La conservation, la valorisation et le partage de la diversité du vivant, un enjeu plus vital que jamais !”

  1. merci Sylvain et Yulia de ces nouvelles au seuil de l’été. On ne peut voir le film sur Youtube (retiré à cause de pb de droits d’auteurs) , on peut rêver que tous nous rejoignons le centre Vavilov et plantions des graines anciennes; Enfin tous ceux qui ont un potager actif ! Bon été en attendant de se revoir.

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