L’Institut Européen des Jardins et des Paysages, basé en Normandie près de Caen, a récemment invité notre Président Sylvain HILAIRE, à présenter ses recherches et diverses expériences liées aux modalités de partage et de médiation autour des patrimoines jardin et paysager.
Le point d’orgue de cette intervention a reposé sur la présentation de Paradeisos – Jardins européens, et sur le projet de « jardin citoyen européen » pour la maison-musée Jean Monnet.
La conférence est en lien sur la chaine Youtube de l’Institut Européen des Jardins et des Paysages :
Voici également le témoignage, en forme de journal de voyage, que Sylvain a tenu à nous transmettre :
« Ce voyage du côté de Caen, dans le cadre magnifique du château Bénouville, ouvrage magistral de l’architecte Claude-Nicolas Ledoux, dans les locaux de l’Institut Européen des Jardins et Paysages, était loin d’être anodin, cela pour plusieurs raisons. Déjà par la qualité des personnes et des lieux hôtes, qui font partie des références scientifiques et
institutionnelles incontournables pour les sujets qui occupent notre jeune initiative Paradeisos – Jardins européens. Une occasion de faire connaître notre existence et nos projets participatifs à plus haut niveau, dans le but d’approfondir et développer nos actions. Ce voyage était très particulier également pour une autre raison, plus personnelle, car il s’agissait pour moi de présenter une synthèse de près de vingt années de recherches, d’enseignements et d’expériences de terrain autour des médiations des patrimoines jardins et paysagers
Après la conférence captivante d’un confrère sur le programme jardin du Val de Loire, dans le vaste périmètre du classement au Patrimoine mondial de l’UNESCO, il m’a donc été donné de présenter dans le détail le sujet proposé : « Jardins, partage et consciences patrimoniales : Les expériences croisées, des jardins de Port-Royal au Jardin citoyen européen de la Maison-musée Jean Monnet ».
Le but était tout d’abord de parler de l’aboutissement de mes recherches doctorales autour des jardins et des paysages culturels de Port-Royal des Champs, puis des relectures et mises en perspectives plus générales qu’elles permettaient de poser en rapport à l’histoire européenne des jardins et des paysages. Il s’agissait dans un deuxième temps d’évoquer les expériences de terrain qui se sont développées en parallèle sur le site de Port-Royal des Champs autour des « jardins d’utilité » de la ferme des Granges, grâce aux partenaires associatifs du musée. J’ai pu présenter le rapport-bilan de ces expériences que j’avais rédigé alors pour la Fondation de France, et démontrer la pertinence de ces premières expériences participatives dites des « Jardins patrimoniaux ».
C’est à partir de ces éléments d’inspirations, et de la référence au dossier de préfiguration réalisé en 2005 au sein de l’Agence Européenne du Management Culturel, que notre initiative Paradeisos – Jardins Européens, a pu être abordée, suscitant un vif intérêt dans l’assistance. L’exercice n’était pas aisé, car synthétiser tant de matières, de contenus, d’années de recherches et d’expériences croisées, tenait un peu du défi. Même si la longueur de l’exposé s’en est ressentie forcément, l’attention et l’intérêt soutenu de l’auditoire en a facilité la restitution. Les questions étaient nombreuses, en particulier du Président de l’Institut, Didier Wirth, pour bien comprendre notre méthode et manière de procéder.
Le passage dans les locaux de l’Institut Européen des Jardins et des Paysages s’est donc idéalement bien passé, la qualité d’accueil et d’écoute de Didier Wirth et de son équipe, en particulier de Delphine Guioc, y ont été pour beaucoup. Une première rencontre qui augure sûrement d’autres collaborations. Pour commencer, nos supports de communication seront désormais diffusés au sein de cette institution. D’autres projets pour organiser des rencontres européennes autour des jardins sont également en discussion.
Nous avons aussi évoqué la possibilité de préparer une visite organisée sur place pour un groupe de « Paradeisiens » pour le printemps, ou l’été prochain. Avec, au programme, visite de lieux d’exception, entre jardins, bibliothèques et sites historiques… et la mer pas loin ! Une belle occasion à venir pour nos adhérents et nos membres les plus actifs d’explorer plus loin la richesse extraordinaire du patrimoine européen dans ce domaine… De cette belle perspective de sortie organisée nous vous tiendrons informés évidemment !
En attendant, mon séjour en Normandie, cette belle et riche terre de jardins, était loin de s’achever au sortir de la conférence. Car j’avais le privilège d’être invité à séjourner dans la demeure de Didier Wirth, au château de Brécy, non loin de Bayeux, au milieu de ses remarquables jardins de stature classique. Un séjour inoubliable à de nombreux titres : hors du temps, mais sans nostalgie, avec la présence sereine d’un patrimoine encore vivant… une leçon d’histoire pour tous les amoureux des jardins « à la française », où ils s’y expriment surement dans sa pure tradition, c’est-à-dire aussi à l’échelle humaine et du vivant.
Je me suis donc attaché à arpenter et explorer les moindres recoins de ce lieu hors du commun, fruit de la passion et du travail patient de son propriétaire : une vibrante variation d’un Paradeisos d’esprit français classicisant.
Un théâtre d’ombres et de lumières, où les architectures minérales et végétales jouent avec notre regard, nous laissant entrevoir d’autres dimensions du réel.
En cette lumière matinale, le soleil suspendu en plein axe de la grande perspective du jardin, il me semblait voir un autre monde, suspendu dans le temps, déposé là en cette campagne normande.
Du loin, du proche, du dehors, du dedans, je me suis amusé à franchir les portes dimensionnelles de cet incomparable jardin, comme Alice au pays des merveilles… car finalement, tout n’est que question d’échelle et d’angle de vue…
La petite allée de buis bien taillée dessinant la géométrie des parterres devient dès lors un ample rideau végétal à hauteur de fourmi.
Certes ces jardins sont conçus pour le regard humain, mais en prêtant bien attention à ses autres dimensions, à d’autres échelles d’espaces et de temps, on y découvre une richesse insoupçonnée : de la géométrie mimétique (mais en quel sens ?) d’une grappe de toiles d’araignées, suspendues sur des univers topiaires infinis, jusqu’aux explosions d’asters entre marches et sculptures de pierres…
Et un peu plus loin, le jaillissement d’une fontaine d’artichauts, qui me rappelle soudain celui du jardin Jean Monnet, miraculeusement émergé du premier parterre planté. Ou encore aux confins du parc, la démesure d’une haie taillée rivalisant avec la cime sacrée du clocher…
Après l’exploration de ces univers emmêlés, de l’infiniment grand à l’infiniment petit, le séjour dans le logis fut ensuite à la mesure du jardin, entre temps et espace suspendu, dans la chambre « Saint-Pétersbourg », dédiée à la riche littérature et histoire de l’ancienne Russie. Avec le jardin toujours, qui déploie ses formes et perspectives en toutes directions, dans l’entrebâillement d’une porte, des fenêtres des chambrées, à celles des escaliers ou du salon, tissant des liens secrets entre nos histoires.
Un bien beau séjour, prometteur espérons-le, d’autres occasions de rencontres et collaborations entre les membres de notre association avec l’Institut européen des Jardins et des Paysages.